mardi 5 novembre 2019

Le général El Kanabi et les arcanes de la Marche verte



Le Royaume du Maroc célèbre ce mercredi, le 44è anniversaire de la Marche Verte. En effet, le 16 octobre 1975, Feu Hassan II prononçait un discours historique qui appelait le peuple marocain à entreprendre une longue marche pacifique vers le Sud pour libérer le Sahara marocain de l’occupation espagnole.

Elle a pour nom la Marche verte et c’est une épopée glorieuse qui consistait à parachever l’intégrité territoriale du Royaume. Cet événement sans précédent s’inscrit dans l’histoire du 20e siècle. La Marche verte rassemblera 350.0000 volontaires dont 30.000 femmes venus de tous les coins du Maroc afin de mettre fin pacifiquement au joug espagnol et ce sans avoir eu le moindre recours à la violence avec un drapeau et un Coran. « 350.000 cela correspond au nombre de naissances annuelles au Maroc. J’ai pensé qu’il m’était permis d’engager la moisson solennelle que Dieu nous donne pour ramener à la Patrie une terre que nous n’avons jamais oubliée », avait expliqué Feu Hassan II.


Initié de main de maître par Feu Hassan II, ce coup de génie royal illustre la forte cohésion et l’acte de foi entre le Trône et le peuple ainsi que l’unanimité autour des constantes et des valeurs sacrées de la nation marocaine.

Mais avant de lancer l’appel à cette Marche, Feu Hassan II avait auparavant reçu l’assurance par la Cour Internationale de Justice de La Haye (CIJ) que le Sahara n’a jamais été « terra-nullius » et qu’il y avait des « liens juridiques d’allégeance » entre ce territoire et le Royaume du Maroc. La CIJ donnait même la confirmation de l’existence de liens juridiques et d’allégeance entre les Sultans du Maroc et les tribus sahraouies.
Les coulisses d’un coup de génie

Cette acte glorieux et sans précédent dans l’histoire moderne, imaginé par le défunt roi a été longuement préparé en coulisse si l’on peut s’exprimer ainsi. Peu de personnalités ont été mises dans le secret, seuls quelques hauts responsables et commis de l’Etat avaient été mis dans la confidence. Et après avoir prêté serment, l’équipe soigneusement choisie par Feu Hassan II, s’attela à préparer un événement qui consistait à permettre à plus de 350.000 volontaires civils (700.000 personnes inscrites sur les listes) de traverser des frontières fictives et de récupérer un territoire ayant toujours fait partie intégrante du Maroc.

Le Général de Division Nourdine El Kanabi de la Gendarmerie Royale, aujourd’hui à la retraite, faisait partie d’un happy few, mis au parfum de cet événement. Il a bien voulu témoigner et donner à Hespress FR quelques détails à propos de cette glorieuse Marche verte.


« Un mois et demi environ avant ce grandiose événement, Hassan II, nous a fait prêter serment et chacun d’entre nous a été investi d’une mission. L’opération a été bien mûrie par le défunt roi jusqu’au moindre détail. Il avait fait tout le tour de la question, rien ne lui avait échappé », nous explique-t-il.
Garantir la sécurité des volontaires

Et de poursuivre: « après, on n’avait eu qu’à exécuter minutieusement les directives royales et tout est passé comme une lettre à la poste. En fait, notre mission à chacun consistait à mettre dans les meilleures conditions sécuritaires les 350.000 Marocains appelés à marcher vers notre Sahara. Cela impliquait du lourd et tout a été mis en œuvre pour ce faire (logistique ravitaillement transport etc.). Les marcheurs ne devaient manquer de rien, c’était une consigne royale sine qua non ».

Notre interlocuteur précise qu‘ »à l’exception du cercle restreint tenu au secret, les premiers à avoir été mis au courant de l’opération ont été les gouverneurs du Royaume. Chaque province devait accompagner avec toute la gouvernance (Autorités, Gouverneurs, Caïds, Gendarmerie, Forces auxiliaires, Police, unités des Forces Armées Royales, Médecins ainsi que la représentation de chaque département ministériel etc.) et le nécessaire (matériels disponibles, produits de consommation, moyens de transport, cars et camions, moyens d’hébergement, tentes et couvertures, médicaments…) ses volontaires inscrits ».

Une formation du personnel mis à contribution était nécessaire. Le Général El Kanabi souligne à ce propos: «En un laps de temps réduit, on a dû former des agents auxiliaires, au civisme, au patriotisme et à l’encadrement sans qu’ils ne sachent rien de ce qui se tramait jusqu’au jour du discours du 16 octobre annonçant la Marche où ils furent informés comme tous le Marocains ».


« Une fois la préparation terminée et l’annonce de cet événement, il fallait le mettre à exécution et à la perfection. Feu Hassan II fit de Marrakech une capitale momentanée du Royaume et elle fut le point de départ de cette glorieuse Marche avant que convois et marcheurs ne convergent vers Agadir premier camp de transit puis Tarfaya première étape de la marche et qui pour l’événement devint le plus grand bivouac du monde », fait-il noter.
Une organisation minutieuse

Des délégations de pays frères et amis ont également pris part à cette glorieuse épopée, (Arabie Saoudite, Gabon, Jordanie, Qatar, Émirats Arabes Unis, Sénégal, Oman, Soudan…), ainsi que des personnalités influentes de l’époque. Durant douze jours, dix trains quotidiens vont conduire les volontaires vers Marrakech avant que ces derniers ne soient acheminés par camions vers les bivouacs de Tan Tan et Tarfaya.

« Les campements étaient disposés en rectangle par province que les camions délimitaient (villes quartiers ou douars de cette dernière restaient distinctes). Il y avait une grande place au milieu pour les rassemblements. Chaque jour une province en invitait une autre c’était l’occasion aux échanges socioculturels (danses chants et contes auprès des feux de camp rythmaient les soirées). L’ambiance était bon enfant et l’on n’a pas eu d’incidents à déplorer. Au contraire il y eut même des mariages, des naissances et baptêmes… », se remémore notre interlocuteur.


Le Jour J, c’est depuis le PC opérationnel de la Gendarmerie Royale d’Agadir que Feu Hassan II par cette phrase historique à son Premier ministre de l’époque, a ordonné que soit la Marche verte : « Par Dieu qui la meut et qui l’arrête, Osman en avant ». Il était sept heures du matin et non neuf heures comme beaucoup l’ont pensé.

« La suite, met en avant Général El Kanabi, c’est un cortège de 350.000 marcheurs dont 30.000 femmes qui s’ébranla de Tarfaya pour une marche à l’intérieur du Sahara de quelques jours vers Tah et la ligne fictive derrière à quelques kilomètres avant que Hassan II n’ordonne le retour des marcheurs. Il avait été convenu je suppose avec l’Espagne et la France de ne pas franchir cette frontière chimérique, les deux pays, étaient au courant de cette glorieuse marche et avaient accédé à la demande du défunt monarque, à condition qu’elle soit pacifique. D’ailleurs pour son premier voyage vers les provinces du sud récupérées, Hassan II y fit une escale et y pria longuement ».

Pour notre témoin, « cette marche qui témoigne de l’ingéniosité de notre roi unificateur qui de manière civilisée et pacifique a permis la récupération de nos provinces du Sud, a réussi d’autre part à réconcilier la famille politique marocaine avec elle-même. Feu Hassan II a remis également l’armée sur les rails. Il ne faut pas oublier que le Maroc venait d’essuyer deux coups d’état militaires et l’armée en avait été en plus d’être décimée, livrée si l’on peut dire à elle-même. C’est ce qui explique d’ailleurs les quelques revers du début du conflit avec le Polisario. Ce dernier en plus de l’appui sur le terrain de l’armée algérienne, avait bénéficié d’armes super sophistiquées fournies par la Libye de Mouammar Kadhafi, dont nous ne possédions pas l’équivalence ».

« Pour ce qui est de l’armée algérienne après les fameuses batailles d’Amgala, nous avons encerclé nombre d’éléments et Houari Boumedienne ne s’en était tiré qu’après que Housni Moubarak, alors vice-président de l’Egypte, eut négocié toute une nuit durant une sortie honorable et ce n’est qu’au petit matin, que Feu Hassan II, la lui consentit », ajoute le général retraité.

Et de conclure sur une anecdote: « Housni Moubarak, alors jeune officier, avait été fait prisonnier pendant la guerre des sables. Feu Hassan II en visite en Egypte le ramena avec lui pour le livrer à Gamal Abdel Nasser ».


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