mercredi 8 juillet 2020

Le coup de Skhirat, cinquante ans après. 1/2





L’auteur dédie ce texte à la mémoire de Mehdi Ben Barka, le plus illustre supplicié marocain.

Le récit de Jaafar Al Bakli, Universitaire tunisien, chercheur sur les questions de l’Islam, spécialiste de l’histoire politique des pays arabes, notamment les pays du Golfe.
Note de la Rédaction https://www.madaniya.info/

Le coup d’État de Skhirat est la première tentative de coup d’État militaire contre le régime de Hassan II, alors roi du Maroc; la seconde ayant été le «coup d’État des aviateurs». Ce putsch avorté a eu lieu le 10 juillet 1971 dans le palais royal situé dans la petite localité de Skhirat. Hassan II fêtait son 42e anniversaire dans cette résidence d’été qui accueillait pour l’occasion un millier d’hôtes venus du monde entier, répartis entre les différents pavillons et les tentes caïdales.

Cette tentative de coup d’État a été menée par le général Mohamad Medbouh, l’instigateur qui avait pour mission de dégarnir la garde du palais. Le général Medbouh était secondé par le lieutenant-colonel M’hamed Ababou, chargé d’investir le palais avec ses troupes et de s’emparer des points stratégiques de Rabat.

Un troisième complice le colonel Chelouati, un intime du général Mohamad Oufkir, qui joua un rôle trouble dans cette affaire, devait, avec ses compagnons de l’état-major, rallier l’ensemble de l’armée; contrôler le pays et coordonner l’intervention, de même que la diffusion des communiqués à la radio. L’opération mobilisa 1.400 cadets de l’École militaire des sous-officiers d’Ahermoumou.

Le carnage fit une centaine de tués et environ 200 blessés parmi les invités du roi. Hassan II sauva sa vie en se cachant plusieurs heures dans un «dressing-room» jouxtant la salle du trône et protégée par sa garde personnelle.
Parmi les victimes figuraient:
  • Ahmed Bahnini, Premier ministre du Maroc de 1963 à 1965 ;
  • Henri Dubois-Roquebert, médecin de la famille royale et ami du roi Mohammed.
  • Marcel Dupret, ambassadeur de Belgique au Maroc.
  • Omar Ghannam, directeur du Centre cinématographique marocain.
  • Pierre Kremer, chef cuisinier de l’hôtel de la tour Hassan de Rabat.
  • Max Magnan, directeur de la Compagnie du sucre au Maroc.
Parmi les cadets, près de 200 furent pris dans les tirs croisés de leurs camarades et une centaine furent abattus lors de la tentative de putsch; 74 officiers et sous-officiers furent condamnés à des peines allant de un an de prison à la perpétuité en février 1972; 10 officiers supérieurs (dont quatre généraux) furent exécutés. L’ensemble des cadets fut radié du corps militaire marocain.

Bagne de Tazmamart

Jusqu’en 1991, les autorités marocaines ont nié l’existence du bagne de Tazmamart. Sur les 58 officiers incarcérés, seulement 28 ont survécu aux conditions inhumaines du bagne.

Fin de la note

I- Le caporal piétine le général

A peiné agé de vingt ans, le caporal pointa son revolver sur les dignitaires du régime marocain et leur ordonna de s’étendre par terre, s’adressant à eux sur un ton véhément: “Couchez vous par terre et ne bougez pas”.

Saisis de panique, les dignitaires marocains n’ont pas tenu compte de cette injonction, jugeant plus avisé de prendre la fuite pour échapper aux assaillants, se bousculant les uns, les autres pour se placer à l’abri…. tels des ânes subitement libérés de leurs enclos. Le sous officier tira une salve en l’air. Les dignitaires se raidirent comme pétrifiés par le bruit de la détonation.
A- Ahmad Reda Guédira
Le conseiller du roi et son commensal régulier, telle une autruche blessée, courait dans tous les sens, la tête enfouie entre ses deux mains comme pour la protéger. Trébuchant, il ne parvint pas à se relever, terrorisé par la peur. Imaginatif, il eut recours à un stratagème pour échapper à un sort fatal: il simula la mort. Il demeurera trois heures durant étendu sous un soleil de plomb sur le green du Golf du palais royal de Skhirat.
B- Abdel Hadi Boutaleb
Le ministre des Affaires étrangères a cherché à gagner la plage toute proche. Par malchance, il est atteint au pied par les éclats d’un projectile. Il se jeta sur une dune et roula sur le sable pour échapper au regard des assaillants, se brisant les lunettes de soleil qu’il portait ce jour-là. Se relevant au terme de sa course, il offrait le spectacle d’un homme borgne, son oeil droit recouvert d’un verre noir, l’oeil gauche dégagé sans lunettes.

A peine relevé, un sous officier s’empara d’Abdel Hadi Boutaleb et l’entassa au dessus d’Abdel Latif Filali, ministre de l’Enseignement supérieur, lui même placé au dessus de Mohamad Charkaoui, beau frère d’Hassan II dont il avait épousé la sœur.

Un empilement de ministres terrorisés en fait. Un spectacle pathétique et honteux à la fois.

Plus tard, les sous officiers, pour justifier leur comportement aberrant, ont plaidé le principe de obéissance hiérarchique et de la discipline militaire, l’ignorance de l’identité des conjurés.

En fait, le général M’hamed Ababou, qui a co-dirigé avec le général Medbouh, l’aide de camp du Roi, le coup d’état militaire, n’avait pas donné instruction à ses subordonnés d’humilier les dignitaires du régime, ni de maltraiter les officiers supérieurs des Forces Armées Royales (FAR). Par excès de zèle, les sous-officiers se sont déchainés dans l’accomplissement de leur mission.

L’un des plus jeunes officiers supérieurs l’armée marocaine, Directeur de l’école de formation des sous officiers d’Ahermoumou, qui deviendra par la suie Ribate Al Kheir, Ababou périra lui-même au cours de cette tentative de putsch.
C- Le général Idriss Ben Ammar Al Alami
Ainsi un caporal de l’académie militaire d’Ahermoumou a placé sous ses bottes le Général Idriss Ben Ammar Al Alami, ministre des Postes,, ancien chef d’Etat- major de l’armée et inspecteur général des FAR, piétinant le général en s’esclaffant de rire. Le général Idriss est demeuré silencieux, subissant l’affront avec stoîcisme .
D- Mahjoudi Ahardanne
Craignant que le caporal, livide, ne décharge son chargeur sur sa personne à la moindre protestation, Mahjoubi Ahardane, ministre de la Défense, était étendu par terre, les deux bras levés au ciel en signe de capitulation.

Un sous officier l’aperçoit et lui ordonne de se déchausser. M. Ahardane obtempère. Puis sur ton méprisant, le sous officier lui ordonne de se déshabiller. Ahardanne se rebiffe alors et s’écrit: «AH Non, Je ne suis pas un singe». A la réponse du ministre de la défense, les assaillants éclatèrent de rire.

L’un d’eux, apercevant le Gateau d’anniversaire du Roi, vida son chargeur dans la pièce montée, en guise de défouloir.

Un capitaine, originaire de la même province que Mahjoubi Ahardane, intercéda alors auprès des assaillants pour obtenir un sauf conduit au ministre de la défense et chef du «Mouvement Populaire».
E- Le Colonel Kherraba.
Savourant sa boisson alcoolisée dans une loge ambulante évoluant dans les jardins du palais, le Colonel Kherraba était dans l’ignorance la plus complète des événements qui se déroulaient dans l’enceinte du Palais royal de Skhirat.

Sa dégustation sera brutalement interrompue par l’entrée en force d’une escouade de militaires qui l’ont aussitôt délesté de son élégant uniforme d’officier marocain et l’ont jeté à terre, tout nu.

S’estimant bafoué dans sa dignité, tremblant de rage, il s’adressa aux soldats en ces termes: «Je suis le colonel Kherraba. Personne ne me touche». Sans daigner lui répondre, les soldats retournèrent leurs armes dans sa direction pour lui asséner des coups de crosse, avant de le jeter à terre et de l’étendre aux côtés de ses collègues.

2- Le gâteau d’anniversaire du Roi, un défouloir aux mutins.

Comment expliquer un tel déchainement de violences d’officiers subalternes à l’encontre de ministres, d’officiers supérieurs, de dignitaires du régime, serviteurs obséquieux du trône, dont la malchance et la crainte pour leur vie les ont conduit à abdiquer toute dignité, s’étalant aux pieds des mutins pour les implorer ?

Les mutins étaient-ils animés par la haine? Par une volonté de représailles? De l’insolence pure? Ou alors par pure bêtise et immaturité? La réponse se trouve probablement dans une synthèse de toutes ses motivations.

Les mutins appartenaient tous à la classe la plus défavorisée de la population marocaine. Ils avaient été abasourdis par ce qu’ils avaient découvert au Palais Royal de Skhirat. Le spectacle festif dispendieux a agi comme un déclic, libérant de pulsions jusque là enfouies.
L’un d’eux, apercevant le gâteau d’anniversaire du Roi, vida son chargeur dans la pièce montée, en guise de défouloir, laissant se déverser un flot de chocolat sur la nappe.

3- Le couscous du Roi

Des fruits de mer à perte de vue. De toutes sortes. La table du Roi était abondamment fournie: homards, langoustes, crevettes, écrevisses, saumon importé de l’Océan Pacifique, caviar importé d’Iran, des moutons en broche à perte de vue rôtissant pour le traditionnel méchoui. Le tout arrosé de spiritueux aussi rares que précieux: alcool, liqueurs, bière bavaroise ainsi que de toute une gamme de champagne français.

Un sous-officier entrepris de délester les hôtes du roi de leurs bijoux, des montres et des chaines en or et de les entreposer dans un camion.

Un autre s’est précipité sur un plateau de couscous abondamment agrémenté en viandes variées et en légumes. Un collègue tenta de le dissuader. «Le temps nous est compté et nous ne pouvons nous égarer dans des agapes», lui dit-il.

D’un éclat de rire illuminant tout son visage, le mutin répliqua: «C’est l’unique occasion de ma vie de goûter un couscous royal».

4- Le Makhzen versus As-Siba

La soumission d’As-Siba, le meilleur cadeau du colonisateur français au Maghzen.
Ces deux termes antinomiques ont rythmé l’histoire du Maroc.

Le terme «Makhzen», littéralement «magasin», désigne, dans le langage courant au Maroc, à la fois le Pouvoir marocain et un système de népotisme et de privilèges de grandes familles reposant sur leur proximité avec ce Pouvoir. Avant le protectorat, le Makhzen était l’appellation du gouvernement du Sultan du Maroc et reposait quasi-exclusivement sur les grandes familles arabo-andalouses ou de l’aristocratie religieuse (chorfas) des grandes villes du Maroc telles que Fès principalement, Rabat, Salé ou Marrakech.

As Siba signifie, lui, étymologiquement, l’abandon et par extension «anarchie», en ce que les provinces négligées par le pouvoir central ont constitué un lieu de contestation politique et social.

Au cours de son histoire le Maroc a connu des périodes d’instabilité socio-politique. Certaines régions du Maroc ne connaissaient pas l’influence de l’État, notamment le Haut et le Moyen Atlas, dans le RIF. Il existait l’expression «bilad al makhzen», qui désigne l’espace où l’État exerce son autorité et s’oppose à «bilad as siba», espace non soumis à l’autorité centrale du pays.

Pour Henri Terrasse, éminent représentant de l’historiographie de la période coloniale, le «blilad as siba» était non seulement l’incarnation d’une autorité makhzénienne contestée, mais également un frein à l’apparition d’un État moderne.

Le Maroc n’a pas toujours appartenu aux Marocains.

Le Makhzen, lieu de résidence du souverain et du pouvoir central avec son cortège de magnificence et de licence, tirait sa substance de son pouvoir financier et économique, le commerce et l’industrie, symboles de la prospérité et du développement, évoluant au milieu de courtisans empressés intimement convaincus des vertus de l’obéissance, de la docilité, voire de la résignation.

As-Siba se présentait comme l’antithèse du Makhzen. Une zone à l’abandon, désertique, montagneuse, de forêts et de vallons. Une zone négligée, méprisée, humiliée, d’une grande diversité de langues et de coutumes. Mais une zone rompue à la révolte, à la désobéissance, à la violence et à l’insurrection.

As-Siba se situait hors de l’orbite du Makhzen, dans la décennie 1920, jusqu’à l’arrivée des Français lesquels s’appliqueront à mater, par le feu et le sang, cette zone rebelle du Haut et du Moyen Atlas, ainsi que la région de Rio de Oro, dans le Sahara occidental.

La soumission du Bilad As Siba a été le meilleur cadeau offert par les Français au Royaume, à leur retrait du Maroc en 1956

5- Les griefs de la population du Rif à l’encontre du Makhzen: Une vaste conjuration franco-espganole autour du Makzen pour neutraliser Abdallah Al Khattabi.

Recrue d’épreuves, la populaiton du Rif gardait en mémoire les propos du Sultan Youssef au Maréchal Philippe Pétain, demandant au chef du régime de Vichy de dépêcher des soldats au Maroc pour combattre Mohamad Ben Abdallah Al Khattabi: «Débarrassez nous de ce rebelle», avait imploré le sultan.

Paré de son titre de «Vainqueur de Verdun», mais néanmoins désormais collaborateur du régime nazi, Philippe Pétain se proposait de mater le vainqueur des Espagnols, Al Khattabi, l’artisan de la proclamation de la «République du RIF».

Pour la réalisation de cet objectif, le Makhzen avait mis à la disposition des assaillants plusieurs dizaines de milliers de soldats représentant 40 brigades, placés sous les ordres de 60 généraux. L’Espagne, par désir de revanche, volera au secours du Makzen pour la mise au pas du RIF, dépêchant en renfort cent mille soldats espagnols.

Une vaste conjuration franco espagnole autour du Makhzen pour neutraliser Abdallah Al Khattabi.

La population du Rif n’a jamais oublié cet épisode. Pas plus qu’ils n’ont oublié comment la Frabc ea poris en otages les femmes et les enfants des combattants rifains pour les contraindre à la reddition.

6 – Hassan II et le RIF en 1958

Les gens du Rif n’ont pas oublié non plus le comportement d’Hassan au RIF, en 1958, deux ans à peine après la restauration de la dynastie alaouite et la proclamation de l’indépendance du Royaume chérifien.

A la tête d’une force de 20.000 soldats, Hassan II, à l’époque prince héritier et commandant en chef des Forces Armées Royales (FAR), s’est lancé à la reconquête du RIF.

Hassan II suivait la bataille, à l’aide de jumelles, depuis un hélicoptère survolant le champ de bataille. Le commandement opérationnel de la bataille avait été confié au commandant Mohamad Oufkir, futur ministre de l’intérieur et l’un de ses grands conspirateurs et tortionnaires du régime.

Des villages entiers ont été rasés. Des milliers de personnes forcées à l’exode.

Lorsque les rebelles ont jeté leurs armes, Moulay Hassan a voulu plaisanter avec le commandant Oufkir. Les prisonniers ont comparu devant lui et ont été contraints de lui baiser les deux faces de sa main, en signe de soumission.

A la fin de la cérémonie, Oufkir dégoupilla une grenade et la plaça à l’intérieur de la capuche de la djellaba d’un prisonnier prosterné devant le prince héritier. L’explosion de la personne a déchiqueté plusieurs personnes, suscitant l’hilarité de Moulay Hassan et du commandant Oufkir.

Les gens du RIF n’ont pas oublié ce long récit de leur calvaire infligé par les hommes du Makhzen.

Les cadets de l’Académie militaire d’Ahermoumou étaient parfaitement conscients du fait qu’ils étaient originaires du RIF, du Bilad As Siba, le pays laissé à l’abandon.

7- Vive notre seigneur Ababou. Que Dieu lui vienne en aide.

M’hamed Ababou est sorti de la salle du trône ordonnant à son escorte de protéger les lieux où s’était dissimulé Hassan II.

Les cadets avaient sous leur contrôle la totalité des invités dont ils s’étaient emparés et jeté à terre, étendus à plat ventre sous un soleil de plomb. Ababou ordonne alors à ses hommes d’aligner les captifs en colonne de trois en vue de passer en revue ses otages.

A son passage des dignitaires du régime poussaient des vivats en son honneur, le félicitant, lui souhaitant bonne chance. Ces opportunistes à tout crin s’imaginaient ainsi s’attirer les sympathies du chef des mutins. Mais le chef rebelle n’en a visiblement pas cure.

Ainsi Allal Al Fassi, chef du Parti Al Istiqlal, a voulu se plaindre des blessures qui’il avait subies du fait des tirs. «Plus tard, Si Allal. Nous verrons cela plus tard», le coupa Ababou.

Un ancien collègue d’Ababou sort des rangs pour saluer le chef des mutins, mais ce fait n’a pas eu l’heur de lui. Le directeur de l’Académie militaire d’Ahermoumou logea une balle dans l’estomac de l’insolent, le tuant sur le coup.

Les autres personnalités ont été prises de panique à la vue de cette exécution sommaire. Sous un soleil de plomb, terrorisées par la peur, elles étaient noyées de sueur. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, leur supplice devenait insupportable.

Sur une rangée étaient alignés ministres, généraux, cuisiniers, hommes de religion, ambassadeurs, consuls.

Moulay Abdallah, atteint au bras et à la cuisse ployait sous l’effet d’une hémorragie. Ababou ordonne que le frère cadet du Roi et les autres personnes âgées soient dégagés du lot et mis à l’ombre et abreuvés d’eau.
Le colonel Boulhemis.

Le colonel Boulhemis, chef de la gendarmerie royale, a, lui, joué de la malchance. Une vieille animosité nourrissait les relations d’Ababou avec le colonel Boulhemis: «Que le monde est petit, mon colonel. J’attendais ce jour depuis une éternité», lance le chef des mutins au chef de la gendarmerie.

Boulhemis s’est mis à implorer et à supplier Ababou. Celui-ci le repoussa avec colère et intima à un de ses sous officiers d’ouvrir le feu sur son rival. Le colonel Boulhemis tomba à terre baignant dans ses excréments. Le général Gharban et Le capitaine Boujema’a Al Assaly connurent le même sort.

Ababou sort du rang quatre généraux: Hamou Amouzehane, le frère de l’épouse du Roi, Moustapha Ahmarciche, Mohamad Habibi, et Boughnine Al Khiyami, leur demandant de lui faire acte d’allégeance et de soutenir le coup d’état.

Comme ces 4 officiers supérieurs hésitaient à faire droit à sa requête, Ababou plaça d’office les 4 généraux dans une jeep en leur donnant le temps de la réflexion pour reconsidérer leur position.

8 -La capture du Roi.

Au Palais de Skhirat, la situation avait évolué en faveur d’Ababou qui avait pris le contrôle de la totalité de la scène: le Roi, sa famille, le gouvernement, les chefs militaires et des services de sécurité, les chefs des partis politiques marocains, les ambassadeurs et consuls, les hommes d’affaires et les banquiers.

Quel besoin avait-il de demeurer sur place? Ababou se devait d’achever sa mission: Se rendre à Rabat avec ses hommes pour annoncer au peuple «La «Révolution contre le Roi», de s’emparer des principaux rouages de l’état et de constituer un «Conseil de la Révolution».

Ababou ordonna à son frère, le colonel Mohamad Ababou, de demeurer sur place et de superviser le contrôle de Skhirat en compagnie de 100 cadets. Lui, marchant sur la capitale en compagnie du reste des mutins pour achever sa tâche.

Il était 17H00 lorsqu’Ababou pris la direction de Rabat. Un caporal qui avait été assigné à Skhirat s’écrie alors: Que reste-t-on à faire ici? C’est une place maudite. Pourquoi la protéger?»

Un des gardes entend des bruits en provenance des toilettes, s’y dirige et ouvre la porte d’entrée. Il est surpris de découvrir un groupe de personnes cachées dans les toilettes. Il leur ordonne de lever les bras et de dégager les lieux. Obéissant aux ordres, les hommes, empruntant la marche des canards, sont sortis se dirigeant vers le Golf royal.

Dans l’obscurité, les mutins n’avaient pas pu identifier ce groupe de prisonniers. Dans la clarté du jour, un caporal s’approcha d’un homme revêtu de l’uniforme des services en charge du nettoyage des sanitaires, le reconnaissant s’écria: LE ROI. C’EST LE ROI.

Les soldats entourèrent alors Hassan II. L’un d’eux le tira brutalement par sa chemise, en lui ordonnant de le suivre: «Toi, viens avec nous».

Le roi obtempéra, avant de s’arrêter net. Les soldats s’agglutinèrent autour de sa personne et commencèrent à le dévisager.

Un sous-lieutenant ordonne à ses hommes de s’occuper du Roi. Bras levé, le souverain est dirigé vers un endroit isolé

Un lourd silence s’empara des lieux un bref instant. Puis soudain, une rafale retentit.
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