Au Maroc l’horrible
crime d’Imlil fait couler encore beaucoup d’encre, et ce, depuis des
semaines. Le directeur du Bureau central d’investigation judiciaire
(BCIJ), Abdelhak Khiame, est revenu dans une interview sur les détails
du crime terroriste d’Imlil, au pied du Haut Atlas, commis avec sang
froid par des islamistes radicaux en décembre dernier, et dont les
victimes ont été deux jeunes touristes scandinaves originaires du
Danemark et de la Norvège.
Voilà par ailleurs la transcription intégrale de cette interview réalisée par TelQuel, diffusée par le site Aljareeda :
« Le 17 du mois dernier a été découvert
par un couple de touristes deux corps décapités dans la zone de
Chamharouch dans les environs d’Imlil. Aussitôt, les autorités locales
ont été averties et en ont informé, à leur tour, la brigade de la
gendarmerie. Lorsque nous avons été, nous aussi, informés nous avons
commencé à coordonner avec les services de la gendarmerie royale et de
la police judiciaire de la ville de Marrakech. Car, il s’est avéré que
cet acte a une connotation terroriste.
En coordination avec ces services de
sécurité nous avons envoyé nos équipes d’investigation sur place. Les
gendarmes se sont occupés des premières constatations qui ont montré que
les deux passaient la nuit à un endroit isolé où elles ont installé
leur tente avant d’être attaquées par des personnes. Non loin de cette
tente, les gendarmes ont découvert à quelque 150 mètres une autre tente
où ils ont trouvé une carte d’identité nationale appartenant à un
individu ainsi que des traces de sang. Nous avons laissé les gendarmes
et les éléments de la police technique et scientifique travailler sur la
scène du crime et nous nous sommes lancés dans les investigations avec
la police judiciaire de la ville de Marrakech après avoir informé le
parquet général compétent de Rabat chargé du terrorisme et aussi le
parquet général de Marrakech.
Les recherches ont été lancées sur
l’individu auquel appartient la carte d’identité nationale et les
personnes qui lui sont proches. Il s’est avéré, après les investigations
menées par le BCIJ, que cet individu en compagnie de 3 autres ont
quitté la ville de Marrakech le 14 et qu’ils avaient été dans la zone
(du crime).
+ Ils ont fabriqué un étendard de l’État islamique +
La gendarmerie a eu recours aux caméras de surveillance placées dans les sites touristiques, mais sans résultat.
Nos recherches ont montré que cet individu était accompagné de 3 autres personnes dont une a été identifiée et qu’elle se trouve dans la ville de Marrakech et par conséquent elle a été la première à être arrêtée par le BCIJ en collaboration avec la police judiciaire de Marrakech.
Nos recherches ont montré que cet individu était accompagné de 3 autres personnes dont une a été identifiée et qu’elle se trouve dans la ville de Marrakech et par conséquent elle a été la première à être arrêtée par le BCIJ en collaboration avec la police judiciaire de Marrakech.
Lors de son arrestation, cette personne a
résisté aux policiers et a sorti un poignard mais nos éléments l’ont
maitrisé et l’ont présenté aux services de la police judiciaire pour y
être interrogé. Des éléments du BCIJ ont été parmi les policiers qui ont
auditionné cet individu qui a, immédiatement, révélé l’identité des
individus qui étaient avec lui dans la zone (du crime) reconnaissant que
ce sont ces derniers qui ont commis l’acte criminel dont ont été
victimes les 2 touristes scandinaves, une danoise et une norvégienne.
Après la coordination avec le parquet
général, il a été procédé au transfert du dossier à ce service pour
l’approfondissement de l’enquête et, aussi, des équipes ont été chargées
de la recherche des autres individus.
L’individu arrêté a déclaré qu’il est
affilié à l’Etat islamique et qu’il était accompagné de 3 personnes dont
« l’émir » de la cellule et qu’ils s’étaient mis d’accord (pour passer à
l’action), le soir du 12 décembre, avant de rejoindre Chamharouch. Il a
dit que ces individus appartiennent à un large réseau qui compte
plusieurs autres individus qui se rencontrent régulièrement pour
préparer un projet terroriste au Maroc devant viser essentiellement les
forces de sûretés, les touristes ou certaines manifestations dont le
festival Gnaoua et une synagogue à Essaouira et des sites touristiques à
Agadir… et il y avait avec eux l’émir dont la carte d’identité a été
trouvée.
L’individu nous a fourni tous les
renseignements. Le 12 du mois, les 4 individus ont convenu de passer à
l’action et de partir avec des moyens légers comme des couteaux et
d’aller chercher des touristes loin des yeux de la police à Marrakech,
car ils savent que les touristes fréquentent les environs de la ville
comme Imlil, Asni…et ils pensaient que l’opération serait facile dans de
telles zones.
Alors le lendemain, le 13 décembre, ils
ont décidé de prêter allégeance à l’Etat islamique avant de commettre
leur acte. Dans la maison de cet individu, ils ont fabriqué un étendard
de l’Etat islamique et filmé une vidéo de leur allégeance, vidéo qui a
été diffusée sur internet. Puis, ils se sont donnés rendez-vous le
lendemain très tôt le matin pour aller repérer leurs victimes. Ils se
sont effectivement rencontrés le lendemain, le 14 décembre, à Marrakech,
ils sont partis à bord de 2 motos puis ils ont pris un grand taxi pour
se rendre à Imlil avec l’idée de commettre leur acte et avait prévu de
couvrir les corps de leurs victimes avec l’étendard de l’Etat islamique
(EI).
+ Un touriste Britannique l’a échappé belle +
Sur leur route, une patrouille de la
gendarmerie a arrêté le taxi. Comme ils avaient pris avec eux une tente
et leurs couteaux, ils avaient convenu auparavant que si les gendarmes
insistent pour les fouiller ce serait leur premier acte terroriste.
Cependant, les gendarmes n’ont pas insisté pour les fouiller et les
individus en question ont pu continuer leur route.
Arrivés à Imlil, ils sont montés à pied
dans la montagne. Ils ont cherché un objectif. Ils ont trouvé plusieurs
touristes mais les circonstances n’étaient pas convenables, soit ces
touristes étaient accompagnés de guides soit il y avait la présence de
citoyens marocains dans la zone. Ils y ont passé la première nuit et la
2ème nuit. Le 16 décembre matin, l’individu chez qui ils s’étaient
réunis les quitte pour retourner à Marrakech en leur assurant de son
soutien et qu’il leur préparera une planque après l’opération. Mais à
son retour, il a oublié et il a gardé avec lui l’étendard qu’il a brulé
en route. Il a repris sa moto et a retourné chez lui.
Toutes ces personnes se contactaient entre elles et avec les autres membres de la cellule à travers l’application Telegram.
Toutes ces personnes se contactaient entre elles et avec les autres membres de la cellule à travers l’application Telegram.
Ils ont continué leur recherche d’une
cible mais en vain. Ils ont rencontré des touristes en randonnée à
bicyclettes, d’autres avec des guides puis un touriste britannique âgé
qu’ils ont interrogé et qui leur a dit qu’il était musulman.
Vers 19 heures, alors qu’ils
descendaient de Chamharouch, ils ont aperçu les deux touristes qui,
elles montaient pour bivouaquer. Ils se sont dits qu’ils ont trouvé leur
objectif. Ils se sont éloignés d’elles de quelque 150 mètres. Les deux
touristes ont planté leur tente dans cet endroit isolé. Les terroristes
ont eux aussi planté la leur et ont programmé le réveil du téléphone
pour se lever à minuit.
Ils se sont effectivement réveillé à
minuit et se sont dirigés avec leurs couteaux vers la tente des deux
touristes. Ils se sont assurés qu’il n’y avait personne dans les
alentours. Ils ont émis un son pour réveiller les victimes. Ces
dernières se sont levées. Ils ont alors ouvert la tente et ont poignardé
l’une d’elles. Puis, l’émir de la cellule et l’autre individu ont
pourchassé la touriste qui a pris la fuite pendant que le 3ème individu
s’occupait de la première victime. Ils les ont égorgées et décapitées en
tenant des propos comme quoi qu’il s’agit de la vengeance de leurs «
frères » en Syrie, des mots que prononcent généralement les éléments de
l’EI.
+ Le crime a été exécuté entre minuit et 1 heure du matin le 17 décembre 2018 +
Après avoir accompli leur crime entre
minuit et 1 heure du matin, ils ont pris la fuite en laissant derrière
eux leur tente et leurs affaires et celles des victimes.
Les deux victimes ont été soumises à l’autopsie qui n’a révélé ni viol, ni vol et donc c’était un acte terroriste.
Alors que nous avons arrêté le premier individu, les recherches se sont poursuivies pour trouver les autres qui, pendant deux jours, ont cherché où se cacher. Mais auparavant, ils avaient informé les autres éléments de la cellule, qui allaient être arrêtés par la suite, de leur acte et même de leur allégeance, acte que ces derniers ont salué en affirmant qu’ils passeront eux aussi à l’acte.
Alors que nous avons arrêté le premier individu, les recherches se sont poursuivies pour trouver les autres qui, pendant deux jours, ont cherché où se cacher. Mais auparavant, ils avaient informé les autres éléments de la cellule, qui allaient être arrêtés par la suite, de leur acte et même de leur allégeance, acte que ces derniers ont salué en affirmant qu’ils passeront eux aussi à l’acte.
Tous ces individus et un Suisse, qui
allait se joindre à cette cellule, préparaient des projets d’attentats.
Ce Suisse projetait de rejoindre les zones conflit mais avait finalement
décidé de rester avec eux et de commettre des actes terroristes au
Maroc. C’est lui, d’ailleurs qui leur a suggéré d’utiliser l’application
Telegram. Il les a incités au Jihad au Maroc, un pays qui n’applique
pas la religion de Dieu. Il leur a proposé d’attaquer les patrouilles de
la police et de la gendarmerie dans les points de contrôle, les tuer et
prendre leurs armes pour créer une wilaya de l’EI au Maghreb.
Avant l’arrestation des 3 individus
impliqués directement dans l’assassinat des 2 touristes, il s’est avéré
que la personne dont la carte d’identité avait été trouvée avait des
antécédents dans le terrorisme et qu’elle avait été transférée à la
police judiciaire en 2014 alors qu’elle tentait de rejoindre les zones
de conflit en Syrie ou en Irak. Elle avait été condamnée à 3 ans de
prison mais avait bénéficié en appel d’une réduction de peine et n’a
passé qu’un an et un mois en prison. Mais pendant son incarcération, cet
individu était resté attaché à toutes ses convictions et avait des
contacts avec d’autres personnes en prison qui sont impliquées dans des
actes terroristes.
A sa libération, en 2015, il a commencé à
chercher à commettre un acte terroriste. Il a essayé d’obtenir un autre
passeport et partir en faisant croire qu’il a perdu son passeport alors
qu’il avait été confisqué lors de son arrestation en 2014. A cause de
son mensonge aux autorités, il a été arrêté et condamne à 3 mois de
prison avec sursis. A ce moment, il a commencé à penser un acte au Maroc
et dans cet objectif il devait enrôler d’autres personnes dans cette
organisation. Il a contacté plusieurs personnes qu’il a enrôlées tout en
prenant un maximum de précautions en tenant des réunions à des endroits
isolés loin des yeux des sécuritaires.
Après leur acte criminel à Imlil, ils
ont passé la nuit dans les montagnes et des endroits d’accès difficiles.
Mais, ils avaient contacté un membre de leur réseau et l’émir de la
cellule leur a donné 1200 dh pour quitter Marrakech en direction de la
ville d’Agadir puis vers Laayoune en vue de s’infiltrer en territoire
algérien et de gagner Daech au sud de la Libye. Mais, nous savions
qu’ils devront chercher un moyen de transport.
Une fois qu’ils sont retournés à
Marrakech, ils ont essayé de prendre le bus en dehors de la gare
routière mais aucun bus ne s’est arrêté pour eux. Ils étaient obligés
d’aller donc à la gare routière et là ils étaient sous les yeux des
éléments du BCIJ qui n’ont pas procédé à leur arrestation à cet endroit
de crainte qu’ils aient sur eux des explosifs et provoquer de nouvelles
victimes. Les éléments du BCIJ ont attendu que le bus quitte la gare
routière et là ils ont procédé à l’arrêt du bus et sont intervenus avec
prudence. Lorsqu’ils les ont arrêtés, ils ont découvert qu’ils avaient
toujours sur eux les armes du crime. Ils les ont amenés au centre du
BCIJ pour les interroger sur les circonstances et les mobiles de leur
acte. Leurs vêtements portaient encore les traces de sang qu’on a remis
au laboratoire comme preuves.
Lors de leur interrogatoire, ils ont
reconnu tous les faits et tout le processus que je viens d’évoquer y
compris l’identité des autres individus de leur réseau qui compte 22
membres dont le Suisse. Toutes ces personnes ont été arrêtées et
interrogées et il s’est avéré qu’il y avait un grand plan en préparation
par cette cellule visant les touristes, les auxiliaires de l’autorité,
le festival de Gnaoua, une synagogue mais surtout les touristes à Agadir
et à Marrakech.
Chacun d’eux, selon le degré de son implication, a interrogé et présenté à la justice car toutes les preuves étaient réunies ».